Nolife, les outils (3) : LogoLife

La production des émissions de Nolife pose un très gros problème que la majorité des chaînes ne connaissent pas : les habillages antenne sont créés en post-production.

Normalement, lorsqu’on produit une émission pour la télé, on livre un master PAD (Prêt À Diffuser) « clean », c’est-à-dire sans le logo de la chaîne, ni par exemple le titre du clip. Seuls sont déjà incrustés les noms des intervenants et, les habillages propres à l’émission (virgules etc). tout ce qui relève de la diffusion antenne est rajouté lors de la diffusion par des machines spécialisées qui tournent avec des logiciels tels que Avid Deko ou ORAD 3Designer. Avec le temps ces logiciels deviennent d’ailleurs tellement puissants qu’ils sont utilisés pour générer des habillages dynamiques en temps réel très complexes (voir ici pour une vidéo des capacités de 3Designer).


Exemple d’habillage dynamique simple avec un système ORAD (en temps réel)


Cependant, la régie de diffusion de Nolife est beaucoup plus simple. Comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’un bête PC qui enchaîne les flux MPEG2-TS déjà compressés dans un flux compatible Freebox, et le flux resultant est envoyé tel quel sur le réseau de Free (et recompressé pour les autres). Il n’y a pas de possibilité de rajouter des habillages en temps réel à la volée ; et de toute façon, les systèmes que j’ai cités sont assez coûteux.

Concrètement, cela veut dire que le logo « Nolife » que l’on voit en haut à gauche de l’image n’est pas rajouté à la diffusion. C’est aussi le cas pour les crédits de clips, etc. On se retrouve donc dans une situation quasi-unique en télévision, où l’on doit rajouter le logo dans un logiciel de montage, avant l’export et la compression de la vidéo.

En terme technique on appelle ça « brûler » le logo (burn-in), par analogie avec la pellicule cinéma où par exemple, les sous-titres sont brûlés au laser pour les VOST. La vidéo PAD résultante sera diffusée telle quelle.

Cela pose évidemment deux problèmes majeurs :

1) Le problème d’archivage qui fait que les émissions existent sous deux formes : le PAD « clean », sans logo, et le PAD « brûlé », avec le logo. Seul ce dernier est utilisé pour l’antenne.
2) Le TEMPS que prend l’incrustation du logo dans le logiciel de montage. Et ce temps est gigantesque. Déjà avec un logo simple cela peut prendre des heures pour une émission si celle-ci contient déjà beaucoup de pistes vidéos. Mais le logo NOLIFE est animé car il y a une barre de progression qui part du N vers le E, cette barre changeant évidemment de vitesse en fonction de la durée de l’émission. Dans le soft de montage cela se traduit par deux pistes vidéos (Avid) ou une piste avec un matte (Final Cut Pro, effet tellement bien traduit en français par « cache patate »). Le temps de calcul est sensiblement identique pour les deux, c’est à dire : long.

Ce qui est paradoxal c’est que c’est justement le fait de rajouter le logo antenne en post-prod qui a fait que le logo avec barre de progression intégrée a été rendu possible. En effet les serveurs de diffusion classiques étaient en 2007 tout bonnement incapables de varier l’animation d’un élément de l’habillage en fonction de la durée du programme, car la machine qui fait l’habillage n’avait pas accès aux données de la machine d’automation (celle qui gère la playlist de diffusion).

Si Nolife avait été diffusée classiquement, on n’aurait pas pu intégrer la barre de progression, en tout cas pas au lancement de la chaîne. Maintenant les systèmes d’ORAD permettent de le faire, mais à ma connaissance une seule chaîne l’exploite vraiment à fond.

Début 2008, Alex explique à l’antenne la galère que constituait le rendu du logo sur les émissions. C’est alors qu’un téléspectateur nous écrit pour nous proposer d’essayer de trouver une solution. Après un premier contact et comme il avait de sérieuses références, il est venu à Nolife regarder un peu comment cela se passait, puis il est rentré chez lui et a programmé en une soirée la première version d’un logiciel qui a littéralement changé la vie de toute la chaîne : LogoLife.


LogoLife 1.5.7 (version actuelle)


Programmé en C# par Philippe Desgranges (alias PixelPhil), LogoLife est en réalité un logiciel qui génère des scripts AviSynth. Ces scripts contiennent des instructions qui font la même chose qu’un Final Cut ou un Premiere savent faire : importer des médias, monter des pistes vidéos et audio, faire du compositing et générer une vidéo du montage final. Le principe est qu’un logiciel qui sreconnaît les scripts AviSynth ouvrira les fichiers .avs comme une simple vidéo et qu’AviSynth génèrera les images demandées à la demande (un principe qu’on appelle le frameserve). Le système est transparent pour le logiciel qui ouvre la vidéo et pour cause : AviSynth se greffe sur DirectShow, le système de gestion vidéo de Windows.

Plusieurs problèmes techniques ont dû être surmontés pour que LogoLife s’intègre parfaitement dans la chaîne de production de Nolife, comme par exemple la compatibilité QuickTime : comme 99% des sociétés broadcast, Nolife travaille essentiellement avec des fichiers QuickTime ou MXF, et AviSynth n’ouvre par défaut que des fichiers reconnus par Windows, comme l’avi. Mais PixelPhil a aussi dû trouver les bonnes fonctions d’AviSynth pour générer les habillages de Nolife qui sont parfois assez tordus, ainsi que relever certains défi pour que LogoLife propose des fonctions dont avait besoin l’équipe – par exemple, couper un fichier trop long en plusieurs bouts tout en gardant le logo progressif sur l’ensemble de la durée de tous les fichiers.

Au final, LogoLife fonctionne de la manière suivante&nbps;: on droppe des fichiers sur l’interface (chez Nolife, ce sont donc principalement des .mov, mais ça marche aussi avec les .avi et les .mpg), et LogoLife va ressortir des avs dans des dossiers qui sont surveillés par un programme de compression externe (on appelle ça des watchfolders). Ce logiciel externe va alors lancer la compression des fichiers source via AviSynth. C’est ce dernier qui va générer les habillages « à la volée » et dès 2008 le gain de productivité était énorme, puisqu’il me semble que les vidéos encodaient à 70% de leur vitesse originale. Du coup il est aussi beaucoup plus rapide de regénérer un PAD à partir de l’émission qui a été archivée en version « clean ».


Exemple d’utilisation de LogoLife (ici, un 101%)


Autant vous le dire tout de suite, les exemples que vous trouverez sur le net de scripts AviSynth sont à mille lieux de ce que génère LogoLife.

Voici ce que permet de faire LogoLife dans sa version 1.5.x :

– Ajout du logo de diffusion avec barre de progression intégrée
– Auto-détection de la famille de programme pour adapter la couleur du logo (ex. Chez Marcus = logo bleu)
– Ajout de la recommandation CSA en incrustation avec le panneau de 10s au début du programme
– Auto-détection des programmes déconseillés aux moins de 16 ans
– Possibilité de joindre plusieurs fichiers en un seul (ex. 101% : plateau, sujet, plateau, sujet…)
– Possibilité de couper un fichier en plusieurs vidéos (ex. pour les concerts de plusieurs heures, afin d’avoir des fichiers de moins de 2Go), tout en gardant les habillages de façon cohérente
– Rajout d’un second logo avec barre de progression sur les fichiers joints (pour 101%)
– Adaptation de la vidéo finale en fonction du type de compression finale (désentrelacement/resize/crop etc).
– Possibilité de travailler en pixels carrés ou en anamorphosé

Mais ce n’est pas tout ! PixelPhil a en effet créé un ingénieux système de plugins. Certains sont directement intégrés à LogoLife, et d’autres peuvent être ajoutés de façon externe.

Voici les plugins intégrés :

– Rajout de crédits clip japonais/français/jeu vidéo bleu ou vert. Ce sont les crédits que l’on voit du début à la fin de chaque clip. On peut régler beaucoup de choses dont le timing d’apparition et de disparition. Ce plugin génère également le cartouche en bas à droite (le titre du clip qui reste pendant tout le clip) et les animations intermédiaires.
– Ajout de logos fixes (le logo Nolife et le logo 101% sont progressifs et sont traités à part)
– Ajout de la progression du J-Top pour les clips
– Changement d’aspect ratio (4/3 <-> 16/9) par crop ou letterbox
– Ajout des effets sur les plateaux de 101% pour les saisons 4 & 5 (vignettage & carrés qui montent et qui descendent)
– Modification de la piste son du programme

On peut également créer ses propres plugins sous forme de scripts AviSynth spéciaux qui s’intègrent automatiquement dans l’interface de LogoLife.

Enfin, LogoLife prépare les vidéos au bon format avant compression, ce qui permet de faire des choses que peu de logiciels autorisent. Par exemple, pour l’antenne la vidéo sort en 1024×576 50i lower field first (on travaille en pixels carrés). Mais on sortira en 512×288 25p pour les LQ de Nolife Online, et en 688×384 50p pour les HQ ! Et par expérience je peux vous dire que les logiciels qui sortent du 50p « propre » à partir d’une vidéo 50i se comptent sur les doigts d’une main (et tous sont payants).

Bref, un boulot fantastique qui a changé la vie de toute l’équipe de Nolife. Je sais que PixelPhil avait d’ailleurs été approché par d’autres chaînes qui ont eu les mêmes problématiques que Nolife, mais qui travaillaient sur Mac. AviSynth n’existant que sous Windows, à priori ils ont dû se contenter de poser les habillages « à la main », comme on faisait il y a trois ans.

Donc à ce jour seul Nolife utilise LogoLife ! Merci Philippe !

16 réflexions sur “Nolife, les outils (3) : LogoLife”

  1. Whaouh, la vache c’est génial ce truc.
    Merci pour la description, pfiou faudrait vraiment qu’il enrichissent la partie programmation en licence systèmes audiovisuels numériques…
    Je suis juste un peu frustré de pas connaitre tout les outils exploités et donc pas visualisé précisément, mais merci.

  2. J’ai écrit avec les pieds… Pardon
    « ils enrichissent » et « et donc DE NE pas visualisé précisement »

  3. Même moi, qui fait des études de en audiovisuel et que pourtant n’estime pas être le plus a la rue sur les questions de techniques de compressions, et de post prod audiovisuelles en général… Et bien un certains nombres de clés me manquent… Je vais allez potassé ca. avec patience.

    Deux questions, primo pourquoi n’a tu pas nommé Maintenant la seule chaîne qui exploite vraiment à fond les systèmes d’ORAD?

    Quel est la licence de ce logiciel, est il libre, est il gratuit, est il modifiable et dans quel mesure, comment peut il etre recupéré par le grand public que nous sommes et sous quelle conditions?

  4. Srb > Je n’ai pas cité la chaîne car je n’ai pas confirmation de cette info. Et si tu parles de LogoLife, il n’est ni libre ni open source.

  5. Je ne connais a part Nolife qu’une seule chaîne proposant une barre de progression, c’est MTV. Est-ce de celle la que tu parle Cyril ?

    En tout cas, c’est un très bon article sur ce logiciel qui a l’air d’être un des piliers de la chaîne. Sans, vous auriez eu pas mal d’ennuis niveau timing et technique au jour d’aujourd’hui.

  6. Super Article intéressant une fois de plus Cyril. Difficile d’être plus complet 😀

  7. Les techniques utilisés par nolife font vachement pensé aux fansub amateur(ce n’est pas une critique bien au contraire)
    dans ce petit monde du fansub ont appelles les sous-titres directement intègré (encodé) avec l’image « HARD SUBBED » est ce que ce mot été crée de toute pièce ou et il utilisé chez les pro ?

  8. @sdekaar : Je ne suis pas spécialiste en sous-titrage mais il me semble qu’on trouve les termes suivants chez les pros anglophone : hard ou open subtitles (incrusté dans la vidéo), soft ou closed subtitles (activables à la demande). En France dès qu’un habillage ou un titre est incrusté dans le master de la vidéo, on utilise le terme de « brûlé » (burnt en anglais). Chez les pros on préfère, quand c’est possible, éviter un maximum d’habillages brûlés. Nolife le fait car on n’avait pas d’autre moyen, mais ça génère réellement une très grosse quantité de boulot supplémentaire sur la durée.

  9. Cyril, suite au très intéressant Debug mode du jour sur le nouveau serveur de diffusion de Nolife, serait il possible d’en avoir un article bien plus détaillé et technique ?
    Désolé d’émettre des demandes comme ca ^^

  10. Question bête: avisynch recode-t-il la vidéo entière ou seulement les parties où le logo et les inserts sont mis ? J’ose espérer que c’est le second, parce que sinon, quelle perte de temps (et de qualité)

  11. @plopito : AviSynth n’encode absolument pas la vidéo, il décode la vidéo avec DirectShow (et les filtres qui vont avec) puis envoie les frames brutes à un autre logiciel (VirtualDub ou ProCoder 3 en l’occurence), AviSyth est un serveur de frames.

  12. Ben non, ll n’y a pas de perte de qualité ! La vidéo n’est pas recompressée par AviSynth !

  13. @plopito : AviSynth ne fait pas perdre de qualité et de temps, au contraire il est extrêmement optimisé. Au niveau qualité de toute façon on a des recompressions à chaque étape de la production : on film en HDV, on capture en DV (downscaling et recompression), on monte en DV (décompression-recompression sur les images retravaillées uniquement mais parfois plusieurs fois), puis on fait du AviSynth, on compresse en MPEG2 (recompression), puis le serveur de diffusion joue le fichier en vidéo (décompression), ça passe à travers quelques machines broadcast, puis le flux est envoyé en MPEG2 à 3Mbps (recompression) et pour Orange & SFR il subit une nouvelle décompression/recompression en MPEG2 ou MPEG4.

    Le but en vidéo ou en télévision (même en cinéma) ce n’est pas d’éviter les recompressions mais de trouver le codec qui résiste le mieux aux générations (recompressions successives). Même le HDCAM-SR et l’AVCIntra qui sont les des formats broadcast les plus performants utilisent une compression MPEG4, mais celle-ci est de tellement haut niveau qu’on peut faire des dizaines de générations sans avoir d’artefacts visibles.

  14. Je viens de tester avisynth couplé avec VirtualDubMod et effectivement, le truc est tellement puissant qu’en a peine 30 minutes de test (je découvre a peine donc après c’est plus rapide) j’ai pu recréer le système de logo animé synchro avec la vidéo.

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