Journaliste

Ce mois-ci, en couverture de Ça m’intéresse, le fameux magazine qui t’intéresse, il y a un dossier sur les horloges biologiques. À l’intérieur, vous y trouverez un quiz de deux pages pour savoir si vous êtes du matin ou du soir, avec des questions piège du genre : « Êtes vous plutôt fatigué le matin ou le soir ? », ou bien encore « Aimez-vous vous lever plutôt vers 6h du matin, ou plutôt vers midi ? ». On se rend tout de suite compte que ce dossier a dû leur demander des jours et des jours d’enquête scientifique et de recoupement d’information afin de fournir au public une information exacte et vérifiée.
Le second gros titre en couverture est celui qui m’a fait feuilleter le numéro chez mon marchand de journaux : « Le conteneur, ce drôle d’objet qui fait le tour du monde ».

J’espère que vous vous rendez bien compte de la chose. Un article sur les CONTENEURS.

Je veux dire, moi aussi je m’intéresse à pas mal de choses, mais les conteneurs ? Y aurait-il des choses si intéressantes à dire sur ces objets aussi drôles que l’est ma chaussure droite ? Une vérité caché, des migrations sauvages, un système de reproduction unique dans le règne de l’objet qui fait le tour du monde ? Suis-je donc si sôt de ne pas m’intéresser aux considérations techniques du trafic des marchandises sur nos mers polluées ?
Donc, fatalement, je vais voir, car moi aussi, je veux savoir ce qu’a de spécial un conteneur – je ne voudrais pas être la risée de tous mes amis lors du prochain sushi-brochettes de la rue Saint-Anne. Et je tombe sur une photo en double page d’un conteneur (ce drôle d’objet), ouvert, avec des légendes fléchées telles que « Les double portes qui peuvent s’ouvrir permettent d’y stocker la marchandise » ou bien « Le conteneur est fait dans une matière qui résiste bien aux chocs ». Je suis ébloui par tant de détails conteneurologiques, car tout cela, bien évidemment, je ne m’en doutais pas le moins du monde. Et vous savez quoi ? La première chose qui m’est venu à l’esprit, c’est de penser qu’il y avait des types qu’on payait pour faire des reportages sur les conteneurs. Et puis je me suis vite ravisé. En fait, la vie de ce type doit être pourrie. Imaginez : il a sa carte de journaliste depuis 20 ans. Depuis 20 ans, il rêve d’aller faire de passionnants reportages sur les prises d’otages à Bagdad, sur les commerces de proximité en Arctique ou bien encore sur l’extermination des fourmis de feu en Géorgie, et au lieu de ça son rédac’chef lui balance tous les mois un truc du genre « Bon Coco, tu vas me faire un reportage sur le conteneur. Voici ton billet pour Le Havre. Tu pars dans 30 minutes ». Et là, le type se retrouvre misérablement au milieu d’un dock, à midi, le ventre vide, en train d’aborder des dockers en leur demandant « Pardon monsieur, pourriez-vous me dire comment fonctionne ce drôle d’objet ? ». Et en plus, ça fait un an qu’on doit lui rembourser ses frais de MacDo.

Finalement, je compatis. La vie de journaliste, c’est vraiment pas drôle.

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