Il était une fois

En décembre 2003, Free lança en grandes pompes son nouveau service Freebox TV. Beaucoup d’abonnés de Free dégroupés, y compris ceux avec les Freebox v2 (également appelées « sale gros nid à poussière merdique »), dont je faisais partie, ont eu droit de profiter de la culture populaire minus TF1 et M6. C’était bien cool, moi qui ne regardais plus la télé depuis plusieurs années, j’ai piqué le téléviseur d’un de mes collocs pour m’y remettre, avec une certaine déception je l’avoue puisque rien n’avait changé. Au final, la seule chaîne que je regardais, c’était France 5…

Dans une déclaration à la presse de Free pour Freebox TV, il y a cependant eu quelque chose de très intéressant que cependant personne n’a sans doute relevé dans le grand public. En effet le gars de Free (était-ce Xavier Niel ?) indiquait qu’ils seraient heureux de pouvoir distribuer n’importe quelle chaîne, pour peut que cette dernière soit capable d’acheminer le signal vidéo vers Free, qui s’occuperait alors de la balancer sur le bouquet Freebox TV gratuitement. Des chaînes comme Télé Plaisance en ont d’ailleurs profité quelques mois plus tard.

Sur le moment, cette phrase a tourné et retourné dans mon esprit. Très peu de temps après, j’ai eu Sébastien Ruchet, alors PDG de Pocket Shami, pour partager cette nouvelle technologique comme nous le faisons souvent. Je lui demande s’il a relevé la même phrase que moi ; de mémoire (que j’ai relativement mauvaise), il me semble bien que ça l’avait également fait tilter. Je trouvais incroyable qu’il « suffise » d’avoir un lien internet assez fort pour envoyer la vidéo en streaming (dans un format que je ne connaissais pas) pour pouvoir créer sa propre chaîne télé. Imaginez un peu : quand on a travaillé dans la télé pendant quelques années, le simple fait de pouvoir diffuser ce qu’on veut !

Je ne sais pas combien de temps l’idée m’a tourné dans la tête, mais le simple fait de faire la liste des trucs qu’on aime, même si on sait que c’est impossible à passer au vu des droits, pour en faire une chaîne… on pourrait même passer Gunbuster, merde !

Quelque part en 2004, je décroche donc mon téléphone et je contacte un ingénieur commercial de Cégétel, et lui demande combien coûterait un lien SDSL à, disons, 8Mbps pour avoir une bonne petite qualité DVD. Les liens SDSL étaient alors très onéreux. Quand j’ai reçu le devis, je me souviens bien en avoir parlé à Seb, puis je l’ai rangé avec une petite larme. On n’avait tout simplement pas la capacité financière de supporter ce genre de choses, même en utilisant des structures de production déjà existantes.

J’imagine que nous n’avons pas été les seuls à faire ce constat. En 2006, Free annonce, de façon relativement discrète, qu’ils proposent désormais une offre de diffusion à bas prix pour lancer des chaînes low-cost. Attention, le terme « low-cost » est trompeur dans le monde de la télévision. Low-cost, ce ne veut pas dire « Caméra à 500€ », par exemple. Ça veut dire : « caméra à 6000€ ». J’avoue que la news me tombe sous le nez, mais que je n’y prête guère attention cette fois-ci, surtout que je n’ai vraiment pas la capacité de créer une société, et que je savais que Sébastien et Alex Pilot travaillaient d’arrache-pied pour Pocket Shami. Je ne savais évidemment pas que la notion de low-cost chez Free était autrement différente.

Cependant, un jour d’automne 2006, Alex m’appelle pour me proposer une réunion. « On voudrait te parler d’un projet, mais c’est vraiment secret », me confie-t-il. Il me cite les deux ou trois autres personnes qui ont été conviées, et me demande expressément de ne pas en parler autour de moi. Le jour dit, je file à Pocket Shami, et dans le métro une idée me traverse l’esprit.

Et si…

Et si l’histoire de la chaîne de télé était restée dans la tête de Seb ? Moi-même, de temps en temps, j’y repensais, en voyant au hasard des séries vraiment bien mais pas diffusées en France, en voyant des reportages vraiment intéressants mais injustement relégués en cinquième partie de soirée, en voyant des projets originaux avortés ou laissés dans des cartons… parfois cela me revenait : ce serait vraiment bien de passer ça à la télé ! Et ça, on pourrait faire ça, ça coûterait pas cher et ce serait génial ! Oui, mais voilà, la chaîne X ou Y ne sera jamais intéressée, et je le sais parce que je les connais. Pourtant il y aurait tellement à faire…

Et là, dans le métro, cette idée là me revient encore une fois. Je voulais y croire, mais je savais bien que c’était impossible.

La réunion se tient le soir, en très petit comité, à Pocket Shami. Au moment où elle commence, j’avais déjà évacué l’idée de ma tête.

Sébastien nous dit : « Voilà, je suis tombé sur un communiqué de Free qui a annoncé proposer un système de régie à bas coût. Ça fait quelques mois qu’on y pense, et on a déjà un peu réfléchi à ce qu’on voudrait faire. On aimerait lancer notre propre chaîne de télévision ».

Je souris et je m’exclame : « Ah, toi aussi ça te travaillait, hein ! »

6 réflexions sur “Il était une fois”

  1. Oui merci pour cet article et merci aussi pour ton intervention après 101% 😉
    C’est le genre de truc qui me donne le sourire toute la soirée !
    Je ne pensais pas que ce serait relayé en presque direct comme ca, chapeau !

  2. Ping : Il faut sauver Nolife, chronologie

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